30e Rapport sur « L’état du mal-logement en France 2025 »

La désormais ex-Fondation Abbé Pierre, renommée Fondation pour le Logement des Défavorisés, a organisé la 30e restitution de son rapport « L’Etat du mal-logement en France en 2025 ». Cette restitution dresse un panorama global du mal-logement en France. Elle propose également un focus inédit sur le mal-logement lié au handicap en référence aux 20 ans de la promulgation de la loi du 11 février 2005 relatif à l’inclusion des personnes en situation de handicap.

L’ENGORGEMENT DU LOGEMENT SOCIAL
Christophe ROBERT, délégué général de la fondation, alerte sur la baisse du nombre de constructions de logements neufs, passé de 124 000 en 2016 à 86 000 en 2024. Cette diminution ne permet pas de résorber les 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social, un chiffre qui a doublé en 20 ans. Le rapport de la fondation laisse entrevoir une continuité dans cette dynamique, puisqu’à moyen terme elle prévoit une baisse à 72 000 logements neufs construits par an. Cette réduction s’accompagne d’une hausse des personnes en situation de précarité économique avec un décrochage des salaires par rapport à l’inflation, et une augmentation des dépenses des ménages de 1 200 euros, en euros constants, sur une année. En parallèle, la rotation des ménages dans le logement social a diminué rendant l’accès au parc locatif privé ou à la propriété plus difficile. À partir de ces éléments chiffrés, le rapport établit des liens entre cette situation et ses conséquences pour le secteur AHI, notamment l’augmentation du temps d’attente pour l’attribution d’un logement social pour les ménages en hébergement.

MODIFICATION AVORTÉE DE LA LOI SRU ET LOGEMENTS INTERMÉDIAIRES
Le gouvernement ATTAL, via Guillaume KASBARIAN, ministre délégué chargé du Logement, a exprimé la volonté d’inclure les logements locatifs intermédiaires (LLI) dans le décompte de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). Cette loi s’applique « aux communes dont la population est au moins égale à 3 500 habitants (1 500 habitants en Île-de-France) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. »*. Le rapport émet des réserves sur les conséquences potentielles de cette modification. En effet, les logements intermédiaires ne ciblent pas le même public que les locataires de logements sociaux. La fondation pour le Logement des Défavorisés souligne l’inadéquation entre l’offre de LLI, le public visé et le public demandeur. Les loyers et les plafonds de ressources s’adressent à un public qui se tourne principalement vers le logement locatif privé, ou l’accession à la propriété en raison de leurs moyens économiques, tandis que les ménages les plus précaires représentent la majorité des ménages en attente de logements sociaux. Selon le rapport, « sur les 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social, 71 % sont sous les plafonds PLAI (prêt locatif aidé d’intégration), c’est-à-dire gagnent moins d’un SMIC pour deux, par exemple pour un couple, avec des problématiques de mal-logement bien plus graves que celles des ménages en attente d’un LLI ». La fondation ne s’oppose pas au développement des LLI, mais souhaite que ces logements viennent en supplément de la construction de logements sociaux.

HÉBERGEMENT
La restitution de ce rapport a été l’occasion pour la fondation d’exprimer des inquiétudes face à la réduction de 6 500 places d’hébergement à destination des demandeurs d’asile, et au nombre moyen de 6 000 demandes non pourvues par les 115 au niveau régional chaque jour, sur l’année 2024. Cela risque d’accroitre les difficultés des ménages à obtenir une mise à l’abri au 115 et/ou en hébergement d’urgence.
Pour répondre à cette problématique, la fondation demande une ouverture des locaux vacants qui appartiennent à l’État, ainsi que la création de nouvelles places d’hébergement sur la base des besoins du secteur AHI. Le rapport évoque également les conditions de vie des personnes en situation de handicap dans les structures d’hébergement d’urgence, répondant à leurs besoins en termes d’aménagement et d’accompagnement social et/ou médico-social.

FOCUS LOGEMENT ET HANDICAP
Un changement significatif a été apporté aux critères définissant une personne en situation de mal-logement incluant désormais l’inadéquation entre logement et handicap. Cela concerne 5% (220 000 personnes) des personnes porteuses d’un ou plusieurs handicaps en France. Cette modification, alignée avec la loi DALO, permet de considérer les personnes en situation de handicap occupant un logement inadapté comme ménage prioritaire. Cependant, seulement 641 relogements ont été effectués pour 12 000 demandes, malgré la priorité donnée à ce public.
Les problématiques rencontrées par les personnes en situation de handicap dans le champ du logement sont multiples. L’inadéquation entre l’adaptation des logements et la diversité des formes de handicap est une des principales difficultés. Initialement, la loi prévoyait que l’intégralité des nouvelles constructions de logements sociaux devaient être accessible à ces publics. Depuis la loi ELAN de 2018, le quota a été revu à la baisse. Seulement 20% des nouvelles constructions doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap, contre 100 % auparavant. Odile MAURIN, fondatrice de l’association Handi-social, revient sur cet élément en proposant de rendre les logements adaptables, et non seulement accessibles, pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap et en favorisant l’accès à tous types de logements.
Le taux de pauvreté des personnes en situation de handicap est de 26 % contre 14% pour la population générale. Cette précarité économique complique l’accès à un logement social digne, malgré les aides sociales qui ne couvrent d’ailleurs pas l’intégralité des dépenses. Dans le parc locatif social, la demande d’adaptation d’un logement réduit de 14 % les chances d’obtention d’un logement. Ces obstacles s’accumulent, rendant le parcours locatif des personnes en situation de handicap particulièrement complexe.

LES PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT
L’échange entre Christophe ROBERT et Valérie LÉTARD, ministre du Logement et de la Rénovation Urbaine, a permis à cette dernière de présenter son plan d’action pour répondre aux problématiques soulevées par le rapport. Elle insiste sur la nécessité d’une action globale, avec deux axes principaux : le traitement des situations urgentes avec une réponse immédiate du 115 et l’ouverture de places ciblées en faveur des personnes victimes de violences et des grands marginaux. Enfin, la ministre veut renforcer l’accompagnement social autour du plan quinquennal du Logement d’Abord.

PISTES D’AMÉLIORATION/PROPOSITIONS DU RAPPORT
La présentation du rapport est aussi l’occasion pour la fondation d’émettre des recommandations pour favoriser l’accès des personnes en situation de handicap à un logement adapté. Elle propose une revalorisation de l’Allocation Adultes Handicapés (AAH) à minima au niveau du seuil de pauvreté afin d’accroitre l’autonomie financière de ce public. Pour les locataires du parc privé ou les propriétaires occupants, le rapport émet le souhait de voir une augmentation de la Prim’ADAPT, qui couvre une partie des frais liés aux aménagements nécessaires pour favoriser le maintien à domicile. Une autre proposition est de revenir sur le quota de 100% de logements accessibles comme ce fut le cas avant 2018 et la loi ELAN. La fondation encourage l’État à porter une dynamique de désinstitutionalisation des publics porteurs de handicaps en favorisant leur autonomie et leur maintien dans les procédures de droit commun.

Odile MAURIN propose que les nouvelles constructions soient adaptables pour répondre aux multiples formes de handicaps existants, permettant ainsi l’insertion sociale des personnes handicapées. La modularité des espaces au sein d’un bâtiment permet de faciliter la flexibilité d’un logement par rapport aux handicaps des personnes et de répondre aux nouvelles problématiques liées à l’évolution d’un handicap. Ces constructions sont composées de plusieurs alvéoles qui forment le bâtiment. Une alvéole correspond à un studio. La technique de construction permet d’assembler ou séparer les alvéoles selon les besoins des ménages. Didier BOULIN, président de Crescendo, promoteur immobilier, explique que « classiquement, tout est noyé dans le béton, donc la moindre modification nécessite de tout détruire. Là tout sera accessible en filière sèche. Les occupants pourront recréer ou déplacer les pièces d’eau, les toilettes ou la cuisine ». Si l’adaptabilité est pensée lors de la construction, elle n’entraine qu’un surcoût de 1% en comparaison avec les constructions actuelles. Or, les adaptations pour une personne handicapée dans le bâti actuel fait grimper les coûts, ce qui peut expliquer que les chances d’obtention d’un logement pour une personne handicapée demandant une adaptation d’un logement baissent de 14%. Ces techniques de construction constituent un levier sur les freins économiques et favorisent l’accession aux logements des personnes en situation de handicap.

POUR ALLER + LOIN

Téléchargez le 30e rapport sur « L’état du mal-logement en France 2025 », de la Fondation pour le Logement des Défavorisés en cliquant ici

Téléchargez le rapport « État du mal logement 2025 – Handicap et logement, quels leviers pour le respect des droits fondamentaux des personnes handicapées? »  d’Handi’social et Odile MAURIN, en cliquant ici.   

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