Les 1er et 7 décembre derniers ont eu lieu la formation « Acculturation aux principes du Logement d’Abord » à l’Hôtel d’Agglomération de la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise (CACP). Cette formation en deux volets a été mise sur pieds par la CACP, territoire de mise en œuvre accélérée du Logement d’Abord, en partenariat avec le SIAO 95, l’AFFIL et l’AORIF.
Le format innovant de cette formation fusionnait apport de concepts théoriques, confrontation des représentations et échanges de pratiques autour du paradigme du Logement d’Abord.
Le premier volet a rassemblé 18 personnes : cinq militants d’ATD Quart-Monde, quatre bailleurs, sept travailleurs sociaux, six techniciens de l’agglomération dont une élue et une observatrice de l’AFFIL. Basée sur la démarche du Croisement des Savoirs (1), cette journée avait pour objectif de bâtir une rencontre entre les personnes ayant été ou étant toujours dans la précarité, et concernées par les attributions de logements et des professionnels intervenant sur le parcours d’accès au logement des ménages qui en sont dépourvus. L’animation était assurée par des intervenants d’ATD-Quart Monde, de La Case et Monsieur Samuel TURAKIEWICZ, animateur et formateur en relations interculturelles et interpersonnelles.
La méthode mise en œuvre était la suivante : les personnes étaient réparties par groupe de pairs et installées à une table. Après une présentation du concept du croisement des savoirs et l’énoncé des consignes pour permettre à chacun de pouvoir communiquer dans un cadre sécurisant, les participants étaient invités à échanger entre eux sur un mot puis sur une phrase.
Chacun devait évoquer spontanément à l’ensemble de ses pairs ce qui lui venait à l’esprit concernant le mot SANS-DOMICILE. Puis, chaque groupe devait indiquer sur une feuille de paperboard, un mot qui symbolisait ce terme, accompagné de mots complémentaires si besoin. Cette première étape terminée, chaque rapporteur des groupes de pairs a exposé au reste des participants les raisons et les significations reliées à chacun des mots.
Pour les militants d’ATD-QUART MONDE, SANS-DOMICILE est synonyme de PAS LE CHOIX, puis ETRE MIS A LA RUE, PAS BIEN, PAS D’ADRESSE.
Pour le groupe des bailleurs, SANS-DOMICILE est synonyme de RUPTURE, avec PRECARITE, PAUVRETE.
Pour les Techniciens, SANS-DOMICILE est synonyme de VIOLENCE (violence non pas subie par les personnes sans-domicile mais ressentie par les professionnels dans leur impuissance à agir), puis INCONFORT, VULNERABLE, ISOLEMENT.
Pour les travailleurs sociaux, le mot central était EXCLUSION, puis VULNERABILITE, INSECRURITE et SOUFFRANCE.
Chaque présentation donnait lieu à un échange en plénière entre les participants, sans jugement. De manière générale, ces échanges ont porté sur la notion de choix : les travailleurs sociaux ayant l’impression de donner le choix aux usagers en leur proposant toute une batterie de dispositifs, de mesures d’accompagnement, de structures d’hébergement ou de logement… Les militants ne ressentant au contraire qu’une absence de choix due au fait que le refus de la proposition peut entrainer une dégradation de la situation (fin de prise en charge, annulation du DALO…).
Au cours de l’après-midi, le même type d’exercices a été réitéré autour cette fois de la phrase « qu’est-ce qu’il faut pour qu’un sans domicile se trouve bien dans un logement ? ». Pour les militants d’ATD-QUART MONDE, ce sont les notions de convivialité et de lien social qui sont importantes (pouvoir se faire des amis), alors que pour le professionnel c’est la mise en œuvre d’un accompagnement adapté qui est indispensable à une bonne intégration dans un logement. Cette fragilité, considérée comme intrinsèque aux personnes sans-domicile, est assez ancrée chez les professionnels de l’accompagnement et du logement social : une personne dépourvue de domicile est une personne qui a subi une telle rupture qu’un accompagnement est quasi-obligatoire pour lui permettre de se réinsérer dans un logement de droit commun.
Cette journée avait pour but de permettre le recueil et le partage des représentations réciproques autour de la question de l’accès au logement social pour les publics prioritaires. Cette journée a offert ainsi l’opportunité aux participants :
✔️ de partager et de mettre en commun leurs représentations sur l’accès au logement des publics prioritaires ;
✔️ de voir les points de vue des personnes en demande de logement et des personnes qui les attribuent ;
✔️ de réfléchir, par la suite, collectivement autour de certaines notions qui auront émergé lors des partages et des mises en commun initiales,
✔️ de voir leurs représentations évoluer au contact de celles des autres ;
✔️ de partager et d’échanger entre publics se croisant très peu ;
✔️ de comprendre comment se forgent les différentes représentations.
À l’exception des militants d’ATD-QUARTMONDE, tous les participants de la première journée se sont retrouvés le 7 décembre, pour une journée davantage axée sur la politique du Logement d’Abord, animée par Nadyah ABDEL SALAM, formatrice à Housing First Europe (initiative chargée de promouvoir le Logement d’Abord au niveau européen).
Madame ABDEL SALAM a débuté la journée par un apport théorique sur les notions de Logement d’Abord, concept philosophique et politique publique, l’expérimentation Un Chez Soi d’Abord et son essaimage et le travail de définition des termes connexes à l’exclusion liée au logement (2).
L’après-midi était dédiée à un atelier simulant le déroulé d’une CALEOL : chaque participant endossait le rôle d’un des membres de la CALEOL (représentant bailleur, représentant Mairie, représentant associatif) et argumentait le positionnement de son candidat, tout en gardant en tête la logique du Logement d’Abord.
Les échanges ont été nombreux : le Logement d’Abord est perçu comme une volonté politique très nébuleuse, pleine de contradictions lorsqu’elle doit être mise en œuvre : comment respecter le choix d’habiter de chacun lorsque le marché du logement social est saturé, que le traitement des candidatures dépend d’un cadre législatif très contraignant côté bailleur, que certains bailleurs demandent de plus en plus de documents, que les différents services de l’État ne sont pas suffisamment coordonnés et provoquent des ruptures dans les parcours (retard dans le traitement des demandes de renouvellement des droits au séjours, retard dans le traitement des avis d’imposition…). Par ailleurs, le manque criant de logements a été avancé tout au long des échanges pour justifier également la difficulté à pouvoir proposer un logement à tout demandeur.
Le bilan de ces deux journées de formation est très positif. Les participants ont tous témoigné de la qualité et de la richesse des échanges, de l’opportunité de pouvoir discuter avec des professionnels qu’ils n’auraient pas pu croiser ailleurs et de prendre connaissance des retours d’expériences des personnes confrontées à des difficultés d’accès au logement social. Les échanges libres, respectueux et dans un cadre sécurisé a permis à chacun de prendre du recul sur sa pratique en tentant de l‘aborder sous l’angle du Logement d’Abord.
1- Présentation de la méthode en cliquant ici.
2- Fiche « Typologie Européenne de l’exclusion liée au logement » de la Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri (FEANTSA) en cliquant ici