Tribune libre – Du Côté des Femmes : une histoire qui s’achève

L’Association Du Côté Des Femmes, acteur historique de la lutte contre les violences conjugales et l’accès aux droits des femmes, est née en 1983. Elle a définitivement fermé ses portes le 24 novembre 2023. Cette association était l’un des acteurs majeurs sur le département, comptant un accueil de jour situé à Cergy, deux LEAO (Lieu d’Écoute, d’Accueil et d’Orientation), à Sarcelles et à Cergy, 183 places d’hébergement réparties sur le territoire valdoisien, un chantier d’insertion dans le BTP et près de 400 femmes accompagnées vers l’emploi. La DDETS a désigné 5 Associations pour reprendre l’intégralité des places d’hébergement et poursuivre le suivi social des femmes hébergées.

Mariam Baraka a intégré l’Association Du Côté Des Femmes en novembre 2016. D’abord responsable de l’accueil de jour pendant près de quatre ans, elle a eu en charge l’espace « emploi et insertion ». Après avoir intégré le Comité de direction de l’association en 2021, elle a été nommée le 06 septembre dernier au poste de Directrice Générale, pour assurer notamment la continuité de l’activité dans le cadre du redressement judiciaire de l’association. Le 26 septembre, le tribunal judiciaire de Pontoise a acté la liquidation. Marian Baraka a accompagné les femmes hébergées et/ou accompagnées sur les différents dispositifs ainsi que les salariés Du Côté des Femmes jusqu’à la fermeture de l’association le 24 novembre dernier.

COMMENT ALLEZ-VOUS ?
Je dirais… soulagée. Nous sommes arrivés au terme de quelques semaines éprouvantes. Cette association va fermer dans le respect et la dignité des personnes, comme je l’ai souhaité dès que la liquidation judiciaire a été effective. Les objectifs fixés par nos autorités de tutelle ont été atteints, dans les délais impartis.

LA FERMETURE A LIEU AUJOURD’HUI. COMMENT CELA SE PASSE-T-IL ?
La fermeture, effectivement, pour le public, a lieu aujourd’hui (24 novembre, ndlr). Pour le personnel, nous serons encore présents lundi prochain sur site. Mais l’association, elle, est fermée au public.

COMMENT LE TRANSFERT DES PLACES AVEC LES ASSOCIATIONS REPRENEUSES A-T-IL ÉTÉ EFFECTUÉ ?
Tout le travail de partage de l’activité a été décidé et coordonné par la DDETS. La volonté du Préfet était qu’il n’y ait aucune rupture d’activité et d’accompagnement auprès des femmes accompagnées au sein de l’association.
Le choix s’est porté sur cinq associations : Aurore, ESPERER 95, La Croix-Rouge, APUI Les villageoises et l’ARS 95. Ces associations vont reprendre les places, ainsi que les femmes hébergées avec leurs enfants.
Le partage s’est fait de manière plutôt équitable, puisque le souhait du Préfet était qu’aucune association n’ait le monopole des places sur le département. C’était vraiment un des impératifs. Les critères de choix des associations se sont faits à la fois sur leur ancrage, leur solidité financière et leur expertise d’accompagnement.
Nous sommes arrivés après ce temps de « sélection ». La DDETS nous a laissés ensuite très autonomes avec les partenaires de terrain pour travailler ce tuilage, de la manière la plus sereine et la plus sécurisante possibles pour les bénéficiaires.

QUELS SONT LES IMPACTS POUR CES FEMMES, AUPARAVANT LOGÉES ET ACCOMPAGNÉES PAR DU CÔTÉ DES FEMMES ?
Aujourd’hui, l’impact est avant tout émotionnel, parce que ces femmes ont du mal à accorder leur confiance, du fait de leur vécu. Le changement est quelque chose d’anxiogène pour elles et leurs enfants, puisque si elles sont encore hébergées, c’est qu’elles ont encore un travail d’accompagnement et de reconstruction à faire. Donc effectivement, la fermeture de cette maison des femmes est, pour la majorité des bénéficiaires, un vide sur le territoire.
Le changement de référents est aussi quelque chose qui n’est pas rassurant et c’est pour cela que j’ai opté – et je remercie d’ailleurs tous les partenaires, les associations, la DDETS qui m’ont suivie – pour faire cette passation dans un lieu « sécure », qui finalement est leur lieu de vie. Ça ne se passe ni chez nous, ni chez l’association qui reprend, mais chez elles, là où elles sont temporairement hébergées, avec leurs enfants, pour qu’elles puissent être proactives dans cette passation et non femmes-objets. L’objectif est qu’elles ne subissent pas ce changement, dans un moment important de leur accompagnement.
Nous leur avons remis leur dossier de manière symbolique et en mains propres, pour qu’elles puissent en prendre connaissance. Nous avons rédigé une note sociale qui résume à la fois comment elles sont entrées et quels étaient leurs besoins, les grandes actions menées et comment nous avons avancé avec et auprès d’elles ; et puis des préconisations dans les semaines à venir : les dates d’audience de tribunal, les rendez-vous importants pour lesquels les associations doivent être vigilantes.
Cette note sociale a été en fait le trait d’union dans cette rencontre tripartite, entre la nouvelle éducatrice, l’éducatrice sortante et la femme accompagnée, pendant une semaine durant laquelle plusieurs rendez-vous ont eu lieu. Dans l’ensemble, tout s’est très bien passé.
Nous avons demandé aux femmes à ce qu’elles soient vraiment très impliquées dans cette démarche, qu’elles puissent poser librement les questions à la nouvelle professionnelle : les modalités de fonctionnement… mais qu’elles puissent aussi donner le ton. Le choix revenait aux femmes de déposer ou pas leur récit de vie auprès des professionnels lors de la rencontre sur leur lieu de vie. Elles ont été très engagées dans cet échange, et finalement tout s’est déroulé dans la bienveillance et dans le respect de chacune.
Le schéma de rencontre a demandé du temps, à la fois pour nous, mais aussi pour les associations repreneuses de mobiliser des équipes… équipes qu’elles n’avaient pas forcément encore au complet parce qu’elles sont en cours de recrutement… s’agissant d’une nouvelle activité.
Les associations ont été très réactives. Nous avons rencontré des professionnels de grande qualité, ce qui a rassuré les femmes accompagnées parce qu’elles ont compris que les éducatrices ont une vraie prise de conscience sur le sujet des violences faites aux femmes.
L’association Du Côté Des Femmes a, au-delà d’un ancrage et d’un engagement, pu réunir une grande expertise sur la question des droits aux femmes. On proposait un accompagnement global … j’ai presque envie de dire… all inclusive ! L’association réunissait toutes les compétences pluridisciplinaires sur la question des violences faites aux femmes, au sein d’une même entité, aboutissement de 40 années de travail. On pouvait à la fois travailler le psychique, le physique, le juridique, la parentalité, l’insertion, l’emploi, le logement…
On pouvait travailler tous les volets d’une victime, d’une femme et d’une mère. Ce travail de transversalité autours de la femme, de la victime, est perdu à ce jour avec cette fermeture définitive.

COMMENT LE SIAO VOUS ACCOMPAGNE DANS CE TRANSFERT DES PLACES ?
Le SIAO nous accompagne en nous permettant de centraliser tout le public qui est hébergé et d’avoir une visibilité globale. Il a été aussi le trait d’union, puisque c’est lui qui a la charge, à la fois de repeupler les places disponibles sur le CHRS et d’orienter le public hébergé vers la nouvelle structure repreneuse.
Le SIAO a joué un rôle majeur dans les possibilités de sorties pérennes de notre CHRS, pour les femmes qui sont autonomes et prêtes au relogement.

NOUS AVONS PARLÉ DES PLACES D’HÉBERGEMENT… MAIS QUE DEVIENNENT L’ACCUEIL DE JOUR ET LES LEAO DE SARCELLES ET DE CERGY ?
Le LEAO de Cergy est repris par Mon Âme Sœur. Nous avons encore la question la domiciliation à finaliser, mais le dispositif est transféré. Pour le LEAO de Sarcelles, c’est Aurore qui en reprend la gestion.
L’accueil de jour, lui, est repris partiellement par notre partenaire APUI les villageoises. Notre accueil de jour avait deux spécificités, il était non mixte et ouvert de manière inconditionnelle, pour toutes formes de violences faites aux femmes. Ça passait bien sûr par la grande errance, la prostitution, la traite humaine, l’esclavage moderne. Mais il était ouvert aussi aux femmes qui sont au 115 pour tisser des liens dans la sororité avec leur pair… et aux victimes de violences conjugales bien entendu.
Aujourd’hui, cet accueil de jour est ouvert pour les femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Une grande majorité de femmes et d’enfants vulnérables qui trouvait refuge dans notre accueil de jour, non victimes de violences conjugales, se retrouvent démunis d’un espace sécurisant. Je conçois les impératifs de notre partenaire et de notre financeur, toutefois je ne cache pas mon inquiétude pour l’avenir de ces familles sur notre territoire.

EN CONCLUSION, AVEZ-VOUS UN MESSAGE À TRANSMETTRE ?
Je transmets mes sincères remerciements à tous les acteurs et actrices de notre territoire qui œuvrent auprès des personnes les plus vulnérables et avec lesquels j’ai eu des temps de partage riches.
Je voulais exprimer également toute ma confiance aux associations qui se sont portées volontaires pour la reprise des dispositifs CHRS, accueil de jour et LEAO de Cergy et Sarcelles. Je tenais aussi à remercier les structures qui vont assurer la continuité de l’accompagnement des bénéficiaires des dispositifs emploi et insertion. Je reste persuadée que nos valeurs humanistes communes favoriseront un accompagnement « sécure » et de qualité, permettant à toutes ces femmes de poursuivre leur reconstruction pour un avenir serein.
Je remercie très chaleureusement nos autorités de tutelle, nos partenaires et nos mécènes pour leur soutien et leur confiance durant ces 40 années d’engagement.

Enfin je remercie sincèrement le conseil d’administration et tout particulièrement la vice-présidente Mme Michèle LOUP et le trésorier Mr André MARTIN, pour leur présence quotidienne et leur soutien auprès de moi et des équipes.

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