Le Service public de la Rue au Logement
Malgré le lancement en 2017 du plan quinquennal pour le Logement D’Abord et l’augmentation des crédits mobilisés par l’État, le nombre élevé de personnes sans domicile persiste. Dans ce contexte, la ministre déléguée chargée du Logement a adressé fin mars 2022 aux préfets de région et de département une instruction relative aux missionsdes Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation (SIAO) pour la mise en œuvre du Service public de la rue au logement. Cette instruction vise à renforcer la coordination entre les secteurs de l’hébergement et du logement, et suggère de dépasser le modèle du parcours en escalier au profit d’une stratégie axée sur un accès rapide au logement, y compris depuis la rue. Est également rappelé aux préfets et aux collectivités territoriales l’importance des outils stratégiques tels que le Plan Départemental d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes Défavorisées (PDALHPD), la Conférence intercommunale du logement, la Convention intercommunale d’attribution et la Convention d’utilité sociale. Elle met particulièrement en avant le rôle du SIAO, appelant à le positionner comme la clé de voûte du Service public de la rue au logement au niveau local.
Alors que le Logement D’Abord constitue un principe d’action, le Service public de la rue au logement peut être défini comme la mise en œuvre opérationnelle du Plan de lutte contre le sans-abrisme, articulant tous les acteurs de la chaîne de l’hébergement et du logement, pour mettre pleinement en œuvre la stratégie nationale du Logement D’Abord sur l’ensemble du territoire.
Les mesures du deuxième Plan Quinquennal Logement d’Abord pour la période 2023-2027 ont été présentées le 20 juin dernier par l’ancien ministre de la Ville et du Logement, Olivier KLEIN, et le délégué interministériel à l’Hébergement et à l’accès au Logement (DIHAL), Sylvain MATHIEU, lors d’une réunion avec les acteurs associatifs.
« La continuité ». C’est le mot employé par le ministre du Logement pour présenter, le plan Logement d’abord 2. Continuité sur l’ambition : sortir au moins 400 000 personnes de la rue dans le cadre de ce nouveau plan, 440 000 personnes ayant accédé à un logement avec le premier plan, déployé sur les 44 territoires engagés (au sein desquels 40 000 nouvelles places créées dans le parc locatif privé en Intermédiation locative (IML) et 7 200 nouvelles places en pensions de famille), soit un total de plus de 800 000 personnes entre 2017 et 2027.
Olivier KLEIN a donc défendu ce premier plan en le caractérisant de succès, grâce notamment au resserrement des liens entre les bailleurs sociaux et les associations du secteur social, et à « un partenariat renforcé des services de l’État et des collectivités territoriales ». Le plan Logement D’Abord 2 sera déplié sur les mêmes collectivités et avec les mêmes associations, insistant sur l’utilité de « capitaliser » et de « tirer les leçons » du premier plan.
Les chiffres clés du premier plan quinquennal 2017-2022 du Logement D’Abord
source : site du gouvernement
Les objectifs annoncés du plan Logement D’Abord 2 (LDA 2) sont clairs : construire davantage de logements adaptés, abordables pour les publics précaires, faire de la prévention et investir dans la veille sociale. Le budget annoncé est de 44 millions d’euros.
Le nouveau Plan quinquennal pour le Logement d’Abord « 2023-2027 » s’articule autour de trois axes : Produire et mobiliser des solutions de logement adaptées et abordables ; Conforter le maintien dans le logement et prévenir les ruptures afin d’éviter la dégradation des situations ; Accélérer l’accès au logement et proposer des parcours d’accompagnement en croisant logement, emploi et santé.
Parmi les mesures annoncées :
LA RECONDUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT DES SOLUTIONS DE LOGEMENTS ADAPTÉES ET ABORDABLES
✔️ Création de 30 000 nouvelles places en intermédiation locative (IML) dans le parc locatif privé, avec un nouveau plan territorialisé et une orientation vers le mandat de gestion. Des outils de facilitation et d’encouragement de la captation de logements seront, dans ce cas, développés ;
✔️ Ouverture de 10 000 nouvelles places en pensions de famille d’ici 2027, soit 2 000 places par an.
✔️ Production de 25 000 nouveaux logements en résidences sociales en métropole et en outremer. Pour mieux accompagner les personnes logées et soutenir l’innovation, l’Aide à la Gestion Locative Sociale (AGLS) devrait être revalorisée et son octroi simplifié. Par ailleurs, un travail sur le modèle économique des résidences sociales avec les acteurs concernés est également annoncé ;
✔️ Une ambition de production de logements très sociaux.
LE RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES EXPULSIONS LOCATIVES POUR ÉVITER LA PERTE DU LOGEMENT ET LA PRÉVENTION DES SITUATIONS DE RUPTURES
✔️ Pérennisation des équipes mobiles de prévention des expulsions locatives dans le cadre de la démarche de l’aller-vers ;
✔️ Maintien du renfort des Commissions de Coordination des Actions de Prévention Expulsions Locatives (Ccapex) et déploiement de permanences socio-juridiques pour la réduction des impayés de loyers dans le cadre du Pacte des Solidarités ;
✔️ Prévention des ruptures des publics spécifiques avec une attention particulière portée aux jeunes, aux femmes victimes de violences, aux personnes souffrant de troubles de la santé mentale… ;
✔️ Renforcement et soutien de l’accompagnement des locataires et des bailleurs sociaux afin de prévenir les difficultés, avec notamment le lancement d’un plan « Santé mentale logement » en lien avec l’Union sociale de l’Habitat.
LA MISE EN PLACE DE PARCOURS D’ACCOMPAGNEMENT « LOGEMENT-EMPLOI-SANTÉ » EN RENFORÇANT LE RÔLE DES SIAO ET LA VEILLE SOCIALE
✔️ Faire des SIAO les plateformes de coordination des parcours d’accompagnement vers et dans le logement, et moderniser la veille sociale. Le SIAO est appelé à jouer un rôle accru pour faciliter et sécuriser l’accès au logement des personnes sans domicile, devenant un pôle d’expertise et de ressources pour les professionnels du secteur AHI, les bailleurs sociaux et d’autres partenaires. 300 ETP supplémentaires pour les SIAO devraient être créés, avec une attention particulière pour favoriser une meilleure liaison avec les secteurs emploi et santé et 100 ETP supplémentaires sur la veille sociale ;
✔️ Fluidifier les liens avec le réseau des partenaires concernés (associations, bailleurs, collectivités locales, acteurs de la santé et de l’emploi, Caf, CNAM, acteurs de l’accompagnement des jeunes…) ;
✔️ Faciliter la mise en place de la politique du Logement D’Abord par les territoires et les professionnels selon les besoins en déployant notamment le dispositif « Un chez-soi d’abord » dans les villes moyennes et les zones rurales.
« Beaucoup de flou », pour les associations et l’USH
Pour Christophe ROBERT, le délégué général de la fondation Abbé-Pierre, le premier plan Logement D’Abord (2018-2022) représentait « la bonne façon d’aborder le problème du sans-abrisme », bien qu’il ne soit toutefois pas encore allé suffisamment loin. Il faut donc aujourd’hui « monter en puissance » et « encourager les collectivités qui se mobilisent ». Le directeur des études de la fondation Abbé-Pierre estime quant à lui que les moyens annoncés pour ce nouveau plan sont insuffisants, notamment s’ils comprennent la couverture de l’inflation.
Un « flou » relevé par les acteurs du logement d’insertion (Fapil, Soliha, Unafo et Unhaj), estimant que les objectifs de ce nouveau volet demeurent trop timorés. Ce collectif salue toutefois dans son communiqué la reconnaissance, dans le cadre du nouveau plan, du « rôle du logement d’insertion (pensions de famille, IML, mais aussi les résidences sociales et l’habitat jeunes …) comme levier central de cette politique ».
Les associations restent par ailleurs dans l’attente de précisions sur la manière d’affecter les crédits annoncés. Nathalie LATOUR, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), s’inquiète au sujet de l’hébergement social, l’État étant en train de baisser le nombre de places et les subventions aux associations.
Lors des annonces gouvernementales, l’Union sociale pour l’habitat (USH) n’était pas en mesure de qualifier la crédibilité du dispositif financier annoncé. L’USH, dans un communiqué, regrette « le flou et le manque d’ambition » de ce deuxième plan. « À quoi rime d’afficher à grands renforts de communication un plan Logement D’Abord 2, alors même que le financement de la construction de logements très sociaux est remis en question par la fin programmée des financements apportés par Action Logement au fonds national des aides à la pierre », interroge Emmanuelle COSSE, présidente de l’USH.
Olivier KLEIN indique qu’il y aura une production plus importante de PLAI en-dehors du plan Logement D’Abord. Ce volume de production sera précisé dans le cadre des prochaines lois de finances et dans le pacte de confiance avec l’USH. Le ministre du Logement revendique par ailleurs « un niveau exceptionnel » du nombre de places d’hébergement social, qui dépasse les 200 000. L’objectif est bien d’optimiser ces places et de s’orienter sur le « desserrement » de l’hébergement social, qui passe par le travail d’accompagnement social et administratif des « sas » (voir notre article sur ce sujet dans le précédent Bulletin Info, en cliquant ici).
Une mise en œuvre imminente ?
Mardi 19 septembre 2023, le nouveau ministre délégué chargé du Logement, Patrice VERGRIETE, a convoqué les préfets de région et de département pour les inciter à soutenir la production de logements. Il les encourage à soutenir les projets de logements et les collectivités engagées dans la création de nouveaux logements. Il a souligné l’importance d’une mobilisation vigoureuse en faveur du logement social, rappelant l’existence de près de 100 millions d’euros de subventions disponibles, prêtes à être allouées dans les zones présentant les besoins les plus pressants. Il a également pressé la mise en œuvre rapide du deuxième plan « Logement D’Abord » afin de faciliter l’accès au logement pour les personnes actuellement hébergées en urgence.
Par ailleurs, Patrice VERGRIETE a insisté sur le développement d’une offre de logements sociaux dans les communes concernées par la loi « SRU ». Il a spécifiquement demandé aux préfets d’accélérer la signature des 400 contrats de mixité sociale en cours de réalisation, établis par le Gouvernement en 2022. Toutefois, malgré les 20 ans écoulés depuis l’entrée en vigueur de la loi imposant aux moyennes et grandes villes un taux minimal de logement social, seules quatre communes sur dix respectent cette obligation, selon une analyse des données du ministère de la Transition écologique effectuée par les journalistes de France Info. Ces questions sont d’autant plus cruciales, que s’ouvre le 105e Congrès des Maires de France, axé précisément sur cette problématique.